Loeiz Herrieu: la guerre

La guerre
Er brezél

Ambrose Bebb chez Loeiz Herrieu


Voici la traduction du texte breton K.L.T.,
qui est elle aussi, la traduction (Meriadec Herrieu) du texte gallois
de Ambrose Bebb venu visiter Loeiz Herrieu, en 1939.
Koroll an Ankou, lakeet e brehoneg gand Youen ar Louarn, Emgleo Breiz, Brud Nevez, 1998

Nous sommes arrivés à Hennebont (en train). Jamais je n'y suis descendu, mais aujourd'hui je le ferai, non pas à cause d'une très belle église, d'un château, d'une ville ayant des remparts et d'un musée breton intéressant. Non, mais simplement parce qu'il y a une homme appelé Loeiz Herrieu qui vit à environ 3 miles d'ici. C'est lui que je cherche et rien d'autre.

Où habite-t-i1? A la gare, ils ne savent pas très bien. Je vais au café le plus proche. Est-ce qu'ils le connaissent? "Loeiz Herrieu ... ?" Ils savent son nom, le nom de sa ferme, à la campagne, sur la route de la "Ville Neuve" Ce n'est pas très précis. Il pleut à torrents, maintenant, vers midi; le train pour Vannes, à 1 heure 30. Pas le temps de se promener.


-« Est ce que quelqu'un aurait une auto pour me conduire là-bas? »
-« Voici! »
-« êtes prêts? »
-« Le prix »
-« 15 francs »

Il faut faire vite et laisser ma musette au café. On prend la grande route d'abord, puis on tourne à droite. La pluie cesse peu à peu.

-« C'est là la maison. C'est là que vit L.H. »
-« Laissez-moi faire un tour pour voir s'il est chez lui, n'est-ce pas ... Oui! Il est là. Vous pouvez partir, merci beaucoup »
-« C'est vous M. Loeiz Herrieu? J'ai fait toute cette route exprès pour vous voir ».
-« Entrez, entrez donc! Vous avez déjeuné? »
-« Non, je suis venu en hâte d'Hennebont, tout exprès ».
–« Vous prendrez un train vers 5 heures ».

Pas moyen de refuser. Ce serait pas convenable ici.

-« Entrez, nous venons de terminer le repas. Vous aurez ainsi un déjeuner de paysan, fait à la maison! Il n'y a absolument pas moyen de refuser," dit ce Breton, accueillant ce grand homme, grand de coeur et grand d'esprit ... oui selon son génie breton. C'est un paysan, un paysan très poli, distingué.

Nous nous vantons, au pays de Galles, d'avoir un peuple poli, des carriers, des mineurs, des petits paysans qui sont vraiment éduqués et polis. Et, grâce à Dieu, il y a beaucoup de vrai en cela, mais il me faut dire aussitôt qu'il n'y a pas, parmi eux un Loeiz Herrieu, non aucun. Et ceci n'est pas les juger, ni leur faire honte.

Il est vrai que L.H. a des sabots de bois dans les pieds et qu'il porte les habits d'un paysan à son travail. Mais, je vous prie, est-ce d'après vos vêtements que l'on mesure votre taille (valeur)? Voici devant moi un homme qui a un corps qui a un peu plus de valeur, qui est plus grand que ses habits, et ses pensées et sa vie regardent plus loin que sa nourriture. Un homme au corps léger, souple, de bonne taille;des yeux intelligents et attirants; des cheveux, des moustaches, et une barbe bien noire en son milieu, bien qu'elle commence à grisonner dans son extrémité. En un mot, un des plus beaux visages que jamais oeil ne verra. S'il se promenait parmi les foules de Paris, il attirerait le regard des gens. Il a 60 ans, mais personne ne dirait cela à voir sa démarche vive et son esprit éveillé. On sent qu'il est débordant de vie! Un homme arrivé à son zénith, avec des idées bien mûres; Il me laisse un moment pour aller dire à sa femme de me préparer le repas! Je m'assois dans une salle assez grande, qui a une bonne fenêtre donnant sur le jardin à ma gauche; il y a une table au milieu de la salle, 4 chaises,2 bancs, un coffre, un vaisselier en 2 parties, une bibliothèque, tout cela en bois de chêne (erreur, c'est du châtaignier, Gwénaël dixit ), ça et là, chaque chose à sa place, comme il faut, d'un bout à l'autre de la salle.

Derrière moi un grand manteau de cheminée très beau; dedans, de chaque côté, une sorte de petit banc et, dehors, 2 rouets, un de chaque côté.
Sur les murs, pas mal , mais pas trop, de tableaux, la plupart sur la Bretagne. Sur la bibliothèque, le tableau de "La Mort" ( An Ankeu) par Jos Parker; et au-dessus des tableaux, faisant le tour de la salle, une hermine bretonne. Tout cela placé avec goût…

Avant que j'eus terminé de jeter un coup d'oeil à toutes ces choses autour de moi, L.H revient, accompagné de sa fille, en m'apportant le premier met de mon repas, c'est à dire un oeuf sur le plat, un choix de pain blanc et de pain de seigle, et du beurre. je commence ce déjeuner de paysan, qui vaut le meilleur "festin". Puis viennent le cidre et les haricots verts, puis les crêpes, tout cela est produit par la ferme, même l'eau de vie de pommes que l'on prend avec le café. la dame et sa fille avaient préparé ce repas sans avoir été averties, cela est une preuve de leur savoir faire. Une nouvelle preuve quand j'ai appris que la mère était l'auteur d'un" grand livre": une paysanne, dans un travail qui n'a ni commencement ni fin.

Avant que j'ai fini le repas, elle était arrivée là, une femme gentille, douce, au pâle teint, active, pour boire avec nous le café noir. Après avoir bavardé un peu, elle s'excusa et partit avec sa fille pour reprendre le travail.

L'entretien avec LH. fut sur le pays de Galles, puisqu'il y avait été une fois, mais surtout, sur la Bretagne, sur sa revue "Dihunamb":

- "Il y a 35 ans que je l'ai commencée. A cette époque, il n'y avait que 25 francs en caisse. Aujourd'hui ça marche et je peux payer les écrivains, pas beaucoup c'est vrai: 5 sous la ligne!"
- "Combien d'abonnés?"
- "Environ deux mille par mois, parfois plus ou moins. Nous avons la chance de l'éditer dans une grande ville, Lorient, et de faire assez de publicité."
- "Combien de temps pour composer un numéro de Dihunamb? "
- " Beaucoup ... Peut-être 3 heures tous les jours, tout compter: expédier des lettres diverses, des questions diverses. Environ 5 lettres tous les jours pour répondre aux questions. "
- " Et avec le travail de la ferme (assez grande!), comment pouvez-vous faire tout cela et lire ... ?"
- " Oui, c'est une grande ferme, qui a 40 vaches (non, à peine 20) . Les enfants m'aident. Oui, je lis beaucoup, au lit spécialement. j'ai 1300 volumes. Ces jours-ci, je lis Robinson Crusoë!"
- "Vous avez le temps d'écrire des livres sans ... ? "
- " Non! Impossible. je n'ai pas écrit un livre encore. Ma revue prend tout mon temps, toute ma force, et je suis seul. j'ai écrit des poèmes, au long des ans, et j'ai l'intention de les éditer, en partie du moins. Vous les verrez sans tarder. C'est tout, mais ma tête, depuis mon enfance, est pleine d'imagination et d'inventions imaginaires. Matière à romans, si j'avais eu le temps ... et peut-être en aurai-je un jour ou l'autre."
- "Vous écrivez tout en breton?"
- "Oui, c'est à dire depuis quelques années. J'ai eu toute mon instruction en français, en français entièrement, et j'avais de bonnes notes... Le maître d'école disait à tous les coups que j'étais le meilleur pour les rédactions françaises. j'avais écrit un roman, quand j'avais 14 ans, sur la révolution française, en français, Et un autre à 17ans. C'était idiot, c'est vrai, mais voilà, en eux il y avait mon imagination, j'ai toujours eu une grande imagination.
- " Comment avez-vous été attiré par le breton ?
- " j'avais 19 ans quand j'ai entendu Botrel chanter certaines de ses chansons sur la Bretagne, et bien qu'elles fussent en français, elles commencèrent à réveiller quelque chose qui était comme endormi, et qui m'ont fait penser: « Quoi? n y a quelque chose comme la Bretagne? ... mon pays mes parents, ma langue… » Et c'est ainsi que j'ai été attiré vers le breton et le réveil breton. J'avais commencé à écrire en breton, le breton du Morbihan et je n'ai pas cessé de le faire! "

Nous avons continué à parler des dialectes bretons, et L.H. croit que c'est une erreur d'insister si fort sur les différences entre le vannetais et les trois autres, et c'est à cause de Vallée et son école d'écrivains que l'on n'a pas accueilli chaque mot vannetais alors qu'il est plus semblable au mot le plus ancien.
il était heureux que ce dialecte ait donné le plus grand poète de la Bretagne de ce siècle: Kalloh.:

- « C'était un de mes amis. Il avait écrit à Dihunamb dès le tout début. J'étais plus âgé que lui, et il acceptait d'être guidé par moi et corrigé. Ma plus grande perte, ce fut de le perdre. Après cela j'ai rassemblé son travail et je l'ai édité ».
- « Je connais "Ar en daoulin", (je l'avais) oui, c'était un grand poète »
- « J'avais fait une réédition ensuite, beaucoup plus belle »
- « Alors le livre s'est toujours bien vendu? Très bien?"
- « Oui, très bien vendu, pas seulement en Breiz et en France, mais dans le sud de l'Amérique, aux U. S. A. , au Canada, en Italie en Hongrie, en Belgique, en Hongrie, et tout le monde l'admire. Oui, Kalloh était un grand poète, et il n'était pas encore arrivé à son zénith. S'il n'était pas mort, il nous aurait donné des poèmes encore plus beaux. C'est la plus grande perte que nous ayons eue. Il savait comment se perfectionner. Le grand défaut des jeunes bretons est de se précipiter pour trouver une imprimerie, sur le champ, sans maîtriser leur langue. J'ai honte de mes premiers écrits (oeuvres), de la poésie d'enfants. Et à chaque fois je conseille à tout jeune homme de commencer par la prose, jusqu'à ce qu'il soit maître de sa langue, faire de la poésie ensuite. Il nous faut des écrivains qui peinent pour découvrir les trésors de notre langue, ses expressions et ses richesses cachées. Pensez à X..... qui a édité plusieurs livres et qui ne connaît pas bien sa langue ( jusqu'à présent) ».

Mon ami littéraire sortit pour prendre une partie des livres qu'il avait édités, et le manuscrit de son livre de poèmes:

-« Voici la nouvelle édition du livre de Kalloh. Qu'en pensez -vous? Et voici le livre de ma femme, un livre de contes ».
-« Très beau! Un très gros livre aussi. Vous êtes une famille d'écrivains »
-« Et voici le manuscrit de mon propre livre, divisé en trois parties: poèmes de jeunesse, poèmes de l'homme mûr, poésies de la vieillesse. (Il s'agit de son livre "Dasson ar galon (les résonances d'un coeur, M.H.) ».

Il était assis auprès de moi et il allait de chant en chant(?), en insistant sur l'unité de l'ensemble. Arrivé au milieu de la deuxième partie, il est environ 3h.30, voici l'air déchiré par le cri glacial d'une sirène qui cornait, en montant et en descendant, une lamentation longue, triste, incessante. Un destin cruel qui criait malheur au-dessus des humains par une après-midi en sommeil.

- "C'est la guerre, dit L.H. Brezel! "
- "La guerre ? dis-je Que Dieu nous préserve ! »…….

Notre conversation était terminée. Nous nous sommes levés, nous sommes sortis. Dans la cour se trouvaient madame Herrieu et sa fille et 2 de ses plus jeunes enfants à côté, bouleversés tous les 3 par le hurlement entendu:

- "Vous avez entendu la sirène? dit-elle de sa douce voix. Serait-ce la guerre? "
- "La guerre ? pas sûr .... car toutes les cloches n'ont pas sonné. Peut-être la mobilisation générale ... Hervé est allé en ville pour se renseigner, dit-elle."

Silence.

Puis L.B.: -"Eh bien! regarde comme c'est beau d'être français maintenant!!"
Il est grand temps que je parte:
- « kenavo et mille fois merci de votre accueil. .. et de votre déjeuner merveilleux…kenavo, kenavo ! »
L.H. était venu me conduire sur la route en disant:
- "J'ai été à l'autre guerre d'un bout à l'autre, et j'ai été dans l'armée bien des années avant cela ..... une grande partie de ma vie. Et maintenant, j'ai trois garçons qui sont en âge d'être appelés ... demain ... ou le jour après!"

Avant de retourner, L.H. dit 2 ou 3 mots sur sa ferme en montrant son vignoble ..
- « Est-ce que la culture est payante en Breiz ? »
- « Non, tout le monde quitte la terre: tout autour de moi, j'en suis étonné ...Il n'y a que les faibles d'esprit, les boiteux et les estropiés qui restent travailler à la campagne aujourd'hui. Quant à moi, je suis heureux .... paix, santé, méditation(?) Sans cette tranquillité, je ne pourrais pas faire ce travail (intellectuel) ». N'est-ce pas la même chose qu'on entend au pays de Galles?

On se sert la main, séparation pénible, lui, vers sa propriété sans pareille, et moi vers Hennebont, pour le train de 5 h. J'ai marché rapidement, mais pas comme d'habitude. j'avais un poids non sur les jambes mais sur mon esprit: la sirène, la guerre ..... Bientôt je vois le premier garçon après avoir quitté L.R … Il coupe l'herbe du bord de la route, et chose bizarre, il est de la catégorie des boiteux!

– « Vous avez eu quelques nouvelles? Il
-" ya! dit-il épouvanté? La guerre est déclarée, ... à 3H15, un jeune homme (Hervé) est allé en moto à Hennebont, et c'est là... qu'il a su".
- Mobilisation générale?

Ambroise Bebb (gallois)


Lihérieu brezél (correspondance de guerre)

correspondance
Lennadenn lizhiri Loeiz Herrieu

Enrolladenn ag ur bomm a lennadennoù lizhiri Loeiz Herrieu.Un abadenn dalc'het d'ar 15 a viz Mae 2010 da geñver Noziad ar Mirdier e St-Degan.
Enregistrement d'un extrait des lectures des lettres de Loeiz Herrieu.Le 15 mai 2010, à l'écomusée de St-Degan, à l'occasion de la Nuit des Musées.

lundi 11 novembre 2002

En ce 11 novembre 2002, en hommage aux souffrances des hommes au front pendant la guerre 1914-1918 et à l'angoisse des familles à l'arrière, voici quelques extraits de correspondance d'un "poilu", Loeiz Herrieu mobilisé à l'âge de 35 ans le dimanche 2 août 1914 à la caserne Bisson à Lorient, au 88 e Régiment d'Infanterie Territoriale. C'est un régiment composé d'anciens, entre 33 et 43 ans dont le rôle est essentiellement logistique (réparer les routes, décharger du matériel, garder des positions que l'urgence oblige à dégarnir de troupes d'active ou de réserve). Loeiz Herrieu écrit régulièrement à son épouse et à ses 2 enfants, presque tou-jours en breton. Sur un total estimé à 1100 lettres, 621 ont été conservées.

23 Septembre 1915
Ma Fauvette chérie,

sommes venus nous installer ici hier. Depuis, toute la journée et toute la nuit durant, notre artillerie a tiré sans interruption, les oreilles... Les salves sont si rapprochées qu'on croirait entendre le mugissement de la mer...

Kenevo, me Vedig karet.
Au revoir ma Fauvette chérie.

Kenevo Herùé. Kenevo Néné.
Au revoir HeNé. Au revoir Néné.

Kenevo tad ha mamm.
Au revoir mon père et ma mère.

Karanté. Loeis.
Je vous aime. Loeis.

Si je venais à mourir, tu aurais le droit de percevoir une pension de sous-officier.
4 novembre 1915
Ça barde comme jamais. Suis cependant sain et sauf.
5 novembre 1915
Le temps sec est de retour; tant mieux. Les combats se sont maintenant atténués, mais nous avons encore eu des pertes: un homme est mort, un homme a perdu une jambe, un autre a eu le crâne fracturé...
15 novembre 1915.
Oui ma Fauvette, voilà que le mois noir est devenu le mois blanc, Il neige. (jeu de mot : novembre se dit "Miz Du" - le mois noir - en breton). Dis à Fine que j'ai reçu les renseignements concernant M. Questel. On n'est toujours pas certain qu'il soit mort. Auguste Le Gall pense qu'il a été fait prisonnier puisque son corps n'a pas été retrouvé.
9 décembre 1915
Le 88 ème au repos ! Voilà un an qu'on nous chante ce refrain. Veux-tu savoir ce que signifie repos pour nous? 6 ou 7 jours ici; repas de midi servi à 9h du matin, travail jusqu'à 5h sans interruption (transporter du bois, des obus, des bonbonnes de gaz asphyxiants, dans l'eau et la boue jusqu'à l'aine). On rencontre dans les boyaux des hommes dont on ne voit plus que les yeux : ils ne sont que boue de la tête aux pieds, des piliers de boue. Ils restent 6 jours comme cela, trempés jusqu'aux os, dormant dans la boue, sans repas chaud.
dous_gris
24 décembre 1915
Sainte fête de Noël à vous tous, là-bas, dans notre chère patrie. Destination "inconnue, nous sommes bien contents d'avoir quitté ce secteur où tant d'entre nous sont tombés, blessés ou tués.
A galon genoh hag a spered. Loeiz. ( De cœur et d'esprit avec vous. Loeiz)
Sul, 26 a viz Kerdu 1915
Me Vedig a garanté,

Bet e hues bet merhat er gartenneu e laren d'oh énnè é oen oeit kuit ag en "Ihuern". Arriù onn étal Meaux, én ur vorhig e vè groeit Iverny anehi. Hé havet e hreet ar er garten.

Ama en doè dereuet en tarhad bras e vè groeit emgann er Marne anehon. Lan é er vro a véieu. Didrous omb ha ne houlennamb meit un dra : chomel ama er pellan guellan. Er burèu e zo é ti deu zén koh, breur ha hoér, intanù ou deu hemb bugalé, hag en des reit d'emb ur gamprig get un daul rond. Aveit n'hor bo ket aneouid é hrant tan d'emb épad en dé.

Ur voéz aral 3 a vugalé dehi hag hé goaz èlonn sudard en des fermet ur gampr d'ein. Déh d'en noz em es kousket én ur gulé. Chetu 6 miz ne oè ket arriù kementral genein. Ne ouien ket mui forh kaer dré beh pen komans aveit um zihuskein. Kousket em es èl ur mén betag 7 eur hantér er mitin-men. Er voéz-sé e ia de vugadein men dillad eùé.

Kavet em es a hendaral ur héré ér vorh hag en des lakeit koed neùé édan me galocheu. Er hoed koh e oè brein.

Start é bet en hent aveit donet betag amen: èl em es laret d'oh, de hantér noz é omb oeit én trein hag é oè kreisté en dé arlerh a pe arriùezamb ér gar dichen. A zrebi er gar betag ama é hes 5 lèu vat e zo bet ret d'emb gobér ar droed ha glaù bras arnomb. (Dré voneur em boè me félerin). Chuéh brein e oen é arriù ama ; er sudarded ne hellent ket mui monet arauk. Meit dichuéh omb bremen hag eurus bout bet tennet a veg er blei. Ama ne gleuamb trouz erbet, meit en trouz en des lakeit Doué én Natur. Tro ha tro d'emb parkeu dru, gué ihuél, fréhaj ha tud amiapl, un iliz léh ma hellamb monet de bédein.

Meit chetu, ne gredan ket é vo hir hon arrest ama. Konz e hrér dohtu ag hor has pelloh de zichuéh : gorlamb.

Ma ne hues chet kaset am on en d'ein hoah, hui hello kas aben a pe reseueet er lihér-men, rak bihanneit mat é en tam aral. Men gourhemenneu de ré er lausk : goasket int er géh tud. De G. Loire eùé. Eit en argant : bout em es berpet ohpen kant Iivr arnein, memb a pe gasan d'oh argant ; n'um ziéset ket enta. Doéré erbet eùé à Louis nag a Job. (Kaset e hues é bakad de Job ?)

Bout em es bet doéré a Vellag, ag Er Garreg, etc ... Reskond e hrein ab en a pe hellein, rak labour e zo arré en déieu-men. Nitra a neùé a hendaral. Ret é d'ein achiù rak é ma rah en ofiserion ama.

Kant bok.

Loeiz
Dimanche 26 décembre 1915
Ma Fauvette chérie,

Sans doute as-tu reçu les cartes dans lesquelles je t'annonçais que nous avions quitté "l'enfer". Nous sommes près de Meaux, dans un petit bourg nommé Iverny. Tu le trouveras sur la carte. C'est d'ici qu'est partie la grande offensive qu'on appelle la bataille de la Marne. Il y a des tombes partout. Nous sommes tranquilles et nous n'avons qu'un souhait: rester ici le plus longtemps possible. Le bureau est installé chez deux vieux, le frère et la sœur, tous deux veufs et sans enfants ; ils ont mis à notre disposition une petite pièce meublée d'une table ronde. Pour nous éviter d'avoir froid, ils y entretiennent du feu toute la journée.

Une autre femme, une mère de trois enfants dont le mari est soldat comme moi, m'a loué une chambre. Hier au soir, j'ai dormi dans un lit; voilà 6 mois que cela ne m'était pas arrivé. Au moment de me déshabiller, je ne savais plus très bien par où commencer. J'ai dormi comme une pierre jusqu'à 7 heures ce matin. Cette femme a aussi accepté de faire ma lessive.

Par ailleurs, j'ai trouvé un cordonnier dans le bourg qui a remis une semelle de bois neuve à mes galoches ; la vieille était pourrie.

Parvenir jusqu'ici n'a pas été une partie de plaisir. Comme je te l'ai dit, nous avons été embarqués dans le train à minuit; il était midi, le lendemain, quand nous sommes arrivés à notre gare de destination. Depuis cette gare jusqu'ici il y a bien cinq bonnes lieues que nous avons dû faire à pied et sous une pluie battante. (Heureusement que j'avais ma pèlerine). J'étais complètement crevé en arrivant; les hommes ne pouvaient plus mettre un pied devant l'autre. Mais nous sommes maintenant reposés et bien contents d'être sortis de la gueule du loup. Ici, c'est le silence; on n'entend que les bruits que Dieu a bien voulu mettre dans la nature. Tout autour de nous, des champs fertiles, de hautes futaies, des arbres fruitiers, des gens aimables, une église accueillante à ceux qui veulent y prier. Seulement voilà, je serais étonné que notre séjour se prolonge beaucoup ici. Il est déjà question de nous envoyer encore plus loin au repos : on verra.

Si tu n'as pas mis de beurre en route, le faire aussitôt dès réception de cette lettre: le dernier morceau est bien entamé.

Le bonjour aux Le Lausque ; ils sont bien frappés, les pauvres. Bonjour à G. Loire également. L'argent: ne t'en fais donc pas pour cela; je m'arrange toujours pour avoir plus de cent francs sur moi, même quand je t'en envoie.

Sans nouvelle de Louis ni de Job. (As-tu expédié son paquet à Job ?)

Lettres de Mellac, de Garrec, etc. Réponse dès que je pourrai car le travail ne manque pas ces jours-ci à nouveau.

Rien de neuf par ailleurs. Il faut que je m'arrête: tous les officiers sont ici.

Cent baisers.

Loeiz.


carte michelin n°56
Carte Michelin n°56

Loeiz Herrieu rentrera enfin chez lui, à Lanester en février 1919.

D'après la thèse soutenue par Daniel Carré le 05 juin 1999 à l'université de Rennes :
"Loeiz Herrieu, un paysan breton dans la grande guerre. Analyse de sa correspondance avec son épouse".

Extraits publiés par la revue AN DASSON, N° 48 et 49.


Ur peizant a Vreizh er Brezel Bras get Daniel Carré



AL LANV, niverenn 90, miz here 1999

D'ar Sadorn 5 a viz Mezheven en doa Daniel Carré kinniget e dezenn doktorelezh, e Skol-Veur Roazhon II, a-zivout « Loeiz Herrieu, ur peizant breizhat er brezel bras. Dielfennadur e genskriverezh get e vaouez . »

Lan e oa sal an tezennoù, tost da 4 euriad en doa dalc'het ar gomz dirak ar juri, Yann - Ber Piriou, rener an dezenn, Donatien Laurent hag Jean-Yves Plourin a U.B.O. Brest, Michel Nicolas ha Gwendal Denez a U.H.B. Roazhon II ha dirak ur saliad kerent ha mignoned, lod anezhe klaskerion pe skolveuridi. Berr e oa bet kavet an amzer get an holl ha ne oa ket bet gwelet an enderviad é tremen.

Savet e oa bet Daniel Carré da zoktor get ar meneg enorus-bras ha gourc'he-mennoù ar varnerion. Dle oa dezhañ goude ar mell labour en doa graet. Lakaet hor boa emgav d'ar Merc'her 18 a viz Eost evit komz diàr e dezenn. Berr em boa c'hoazh kavet ma amzer an deiz-se ha diskuizh e oan daet d'ar gêr rak n'eus netra aesoc'h evit lakaat Daniel da gomz. Pell-bras, pemp euriad, e oan chomet da ziviz ha da selaou doc'htañ dreist-holl. N'hellin ket lakaat pep tra amañ, re hir e vehe, met danvez daou bennad am eus tennet ag ar pezh en deus lâret din.

D. DOUJET: Peseurt palioù ho poa lakaet d'ho studiadenn diàr-benn Loeiz Herrieu?


D. CARRÉ: Daou bal a oa d'ar studiadenn: ar pal kentañ a oa gwiriiñ an testoni brezel rak tud 'zo o deus skrivet o brezel hep bout bet james er brezel, pe diàr ar brezel pe ur sort testoni soudard met n'eo ket an dra-se o deus bevet. Skrivet o deus pell àr-lerc'h get an tamm marsoñj o doa. Goude emañ daet tout ar vojenn àr ar brezel harozel ha gwerzh ar gwad skuilhet. Tud 'zo o deus skrivet o c'harnedoù brezel er blezioù 1950 c'hoazh, just a-raok mervel. Setu e oa ret gwelet pegen istorel ha pegen gwir e oa an testoni.

Hag an eilvet pal a oa mont davet an den, tostaat dezhañ ar muiañ posubl evit dizoleiñ e bersonelezh, peseurt den e oa, àr an dachenn psikologel, àr dachenn an temz-spered, petra en douge d'ober èl-mañ ha pas èl-se, àr betra e harpe e zibaboù, plas ar relijion en afer, lec'h an deskamant en doa tapet a-raok, ar mod ma oa bet desavet ... Daoust ma klote an traoù? Un trivet tra a oa, met liammet get an eil, a oa gouiet ma oa bet chenchet an den get ar brezel. Kalz a dud 'zo bet merchet get ar brezel-se.

D.D.: Ha, fed ag ar palioù-se, petra ho peus-c'hwi kavet ?


D.C.: Evit gwiriiñ an testoni em eus labouret àr dri zra skrivet get Loeiz Herrieu. Skrivet en deus ur c'harned-brezel a zeiz da zeiz hag ar c'harnedoù-se ne oant ket bet embannet gwezh ebet betek bremañ na studiet get den ebet : e dalc'h ar familh e oant ha setu tout.

Embannet en deus ar c'harnedoù-se, komañset o embann, er blez 1933 ; da lâret eo naontek vlez àr-lerc'h bout komañset d'o skriv. Me 'n em lâre-me, tout ar pezh en deus-eñ bevet goude ar brezel, ar vuhez, ar gevredigezh é chench en deus marse lakaet anezhañ da chench, da zibab e-mesk an darvoudoù en doa lakaet en e garnedoù : kemeret lod da vout lakaet edan selloù an holl, lesket re arall er c'harned hep o degas da weI, chench ar feson da zegas an darvoud-mañ -darvoud evit lakaat al lennerion da gompren un dra dishañval doc'h ar pezh a faote dezhañ degas en e gamed ... An, traoù 'sort-se! ÈI-se e faote din labourat da gentañ: kenveriiñ an daou skrid.

Lakaet em boa " Kammdro " àr an urzhiataer ; tout ar c'harnedoù ivez, àr-bouez unan a zo kollet da vat moarvat, an hani kentañ. Komañs a ra ar c'harned e miz Mae 1915. Hag un deiz neuze, Gwennael aet ha lâret din, a-greiz ar gaoz : «Bout 'zo c'hoazh amañ un nebeud lizherioù skrivet da ma zad, da mamm. Bout 'zo anezhe e-barzh ar solier met n'eus ket kalz, un dornadig a zo marse. Daoustoc'h ma vehec'h intereset ?» Me 'lâre : «Ya, sur a-walc'h!» «Ya!» a lâre-en. Lâret a ran deoc'h n’eus ket kalz anezhe kar me m'eus-me losket ur bochad ... Eh an d'o c'hlask deoc'h.» A-boan ma oan erru er gêr, eñ aet ha pellgomz ha lâret: «Kavet em eus-int, amañ emaint!»

Me 'zo diskennet en-dro betek an Aire. Un dornadig a oa, gwir eo, met ur c'hant ugent bennak ur sort. Aze e oa danvez a bouez bras, evit tostaat d'an den hag evit gwiriekaat ivez an testoni roet get an daou skrid arall. Ha goulennet 'm eus getañ ma oa re arall. «Dam ... ya, ret 'vehe din klask!»
Klasket en deus ha kavet re arall. D'ar memes prantad-se emañ bet lakaet e Mellag, e maner Kernod, lod ag an dielloù a oa e Redene, e ti Ferrand.

Donatien Laurent, Fañch Postic, Jorj Belz, ha Jean­Luc Guillevic o deus komañset furchal e-barzh evit lakaat un tammig urzh ha lakaet o deus a-gostez evidin tout ar pezh a denne d'ar brezel bras. Hag aze 'zo bet kavet lizherioù arall c'hoazh. Setu sammad al lizherioù kavet a zo savet neuze da c'hwec'h kant ugent kasadenn ; kartennoù-post, met lizherioù dreist-pep-tra. En em gavet a raen get un trivet skrid, get un testoni arall ivez. E garned pemdeziek a oa bet savet getañ get ar soñj embann an dra-se e Dihunamb. Kammdro an Ankoù a zo bet komañset embann e 1933 met n'eo ket bet james echuet peogwir e oa bet bombardet an ti-moulliñ en Oriant e miz Genver 1943.

Aze en em gaven get ur skrid aralI na oa ket bet savet evit bout embannet met hag a oa un darempred eeun etre eñ hag e vaouez. Tout al lizherioù-se a oa skrivet d'e vaouez, da Loeiza ar Meliner. Enne e oa traoù na oant ket er c'harnedoù, nag e Kammdro, an traoù personel a denne d'an den ha d'an darempredoù etre Loeiz hag e vaouez, soñj e dud, soñj an dachenn, soñj ar vro memes. An holl draoù-se ne veze ket komzet anezhe, pe nebeut-tre, nag er c'harned nag e Kammdro.

Soñjet 'm eus a-benn: an dra-se eo a zo da vout lakaet e kalon al labour, ur wezh gwiriekaet an testoni, dizoleiñ pesort den e oa. Evidin-me n'eus ket prantad ebet gwelloc'h evit ar brezel evit dizoleiñ an den. An den a oa bet lamet ag e familh, ag e vro, ag e vicher, ag ar pezh a rae er vuhez pemdeziek hag a ranke en em zizoleiñ èl ma oa.

Evit gwiriekaat an testoni e oa ret ivez monet davet skridoù ofisiel an arme. Amañ em eus bet ar boneur da gavet ar «Journal Marche-Opérations» penn-da­-benn, evit an 88 vet R.I.T. , e Kastell Vincennes, er "Service historique des armées". Kavet 'm eus ivez ar fichennoù «État Journalier» lec'h ma veze skrivet niver hag anv an dud lazhet, gouliet ; ar pezh a oa fiskal evit gellet keñveriiñ get ar pezh a lâre Loeiz. Hag ur skrid arall c'hoazh goude a zo "Historique du régiment ", savet goude ar brezel. Koulz lâret an holl rejimantoù o deus savet an dra-se, ur meni kaier a veze roet d'ar soudarded kozh evit derc'hel soñj ag o amzer soudard, anv an ofiserion, an dud enoret, pe kastizet lod anezhe ivez ...

Lennet 'm eus ivez skridoù arall, levrioù embannet diàr-benn ar brezel ha skridoù tud arall, embannet pe diemban, tud kar da Loeiz Herrieu, o deus graet ar brezel ; kavet dre zegouezh evit lod anezhe, é kaozeal get unan pe an all. «Du-mañ 'zo c'hoazh skridoù, lizherioù ... »

Lakaet em boa ur c'halvadenn e Ouest-France, e ArMen.

Èl-se emañ daet din dastumadenn lizherioù Herve Deparscau du Plessis, ur paotr yaouank. Hennezh am boa dibabet dre ma oa Breizhad, katolik ; un den ag an noblañs enep republikan (brogarour gall abominapl neoazh). Eñ a oa bet desavet un tammig er memes feson èl Loeiz.

Èl-se ivez em eus bet karnedoù ha lizherioù Jozef Loth. N'eo ket ar Jozef Loth a anavomp-ni, met un Normand a oa Alzasian e dad-kozh. Orglezour a vicher e oa. Un den en oad get Loeiz Herrieu ; un tammig self-made-man 'mod-se ivez ; katolik, dimezet, daou a vugaIe dezhañ ; get ar memes soñjoù èl Loeiz Herrieu, er memes sort rejimant, ur rejimant re gozh, ur rejimant territorial. Hennezh em eus bet e skridoù get ur verc'h dezhañ hag a zo marv bremañ.

Un arall a zo c'hoazh : Pierre Couriaut, a Vaod. Eñ a oa ag ar memes blez èl Bleimor. Graet en doa e studioù e Kloerdi Santez-Anna. Kar-bras e oa da Loeiz Herrieu dre ma oa - Gall kar-e-vor, an dra-se a zo sur !, met ivez Breton kar-e-vro. Koumanantet e oa da zDihunamb. Ha den desket, katolik, dimezet, bugale dezhañ.

Setu, adal aze e c'hellen keñveriiñ. Hag en em zalc'het en doa Loeiz Herrieu èl ar re 'rall pe en ur feson arall ? Klask gwelet petra a c'helle bout kaoz ...

Ha dastumadennoù arall a zo c'hoazh, anavet -bras e Bro- Frañs, re Barthas, pe en Alamagn, re Remarque. Klasket 'm eus keñveriiñ get soudarded Bro-C'hall met ivez get soudarded alaman, re kar da Loeiz Herrieu, peizanted dimezet ha bugale dezhe. An disoc'h a zo biskoazh sklaeroc'h. Un testoni dispar eo, pa vez analizet an traoù doc'h reolennoù un den a vez sellet get an holl èl ar mestr àr an dra-se : Jean Norton Cru. Hennezh, hanter Gall ha hanter Saoz, en doa graet ar brezel 14 hag en doa lakaet en e soñj, goude, sevel un dezenn diàr an holl draoù embannet àr ar brezel pevarzek e galleg. Savet eo bet er blez 29 pe 30.

Norton Cru en deus lakaet reolennoù evit muzuliiñ gwirionez un testoni brezel. Ha gouiet a rae a betra e komze peogwir en doa bevet èl soudard, hag e oa bet graet dezhañ ar brezel penn-da-benn.

Testoni Loeiz Herrieu a glot biskoazh gwelloc'h doc'h ar reolennoù-se dre mand eo liesdoare.

Al lizherioù : dastumadennoù lizherioù a zo bet embannet met lies-mat get tud ar soudard en doa o skrivet, goude e varv, evit en enoriñ. An dud o deus dibabet, lamet traoù e-barzh, pe savet traoù 'zo. Met, èl ma lâr Norton Cru, an dra-se n'eo ket testoni ur soudard met un testoni adwelet get tud n'int ket bet er brezel a-wezhioù, get tud o deus ur sort soñj ag ar brezel ha tud c'hoant dezhe sevel an hani en deus skrivet. Loeiz n'eo ket an dra-se. Aze hon eus un dastumadenn. Toulloù a zo, siwazh ! Mankiñ a ra un drederenn ag al lizherioù a zo bet kollet, losket ... Troioù unnek kant lizher a oa en holl. Skriv a rae d'an nebeutañ ur wezh bep daou zeiz. Erru a rae getañ skriv teir gwezh en un deiz, pas tri lizher met div gartenn hag ul lizher da noz, lakaomp. Ur wezh m'emañ skrivet al lizher, n'heller mui cheñch tra ebet e- barzh, kaset eo ! Ul lizher ho peus un deiziad er lein, n'heller ket mui cheñch an deiziad. Pa lârer : «Lun 13 a viz C'hwevrer 1915, Eh omp atav e Bourg-et­- Comin ...», emañ aes gwiriekaat e dielloù ar rejimant.

«Ar mintin-man 'zo savet bec'h etre allinennoù ...» lakaomp er blez seitek, e miz Meurzh «An Alamaned o deus en em lakaet da denniñ... »

An dra-se a vo merchet àr ar J.M.O. Pe: «Dec'h e oamp erru aman da deir eur. Ma zud a zo erru da greiznoz, brevet get ar skuizhder.» Aes eo deoc’h gwiriekaat pa ouier a-raok petra e oa labour ar fourrier.

Ar fourrier a ziblase a-raok ar re 'raIl get tri pe pevar den, d'ober ar c'hantonamant, da gavout lojeris. Erru a rae-eñ, lies-mat, ur penn-devezh a-raok ar gompa­gnonezh. Setu, get ar J.M.O. e c'hellit gwiriekaat ar pezh a skriv.

D.D.: Ha n'ho peus james kavet kemm etre ar pezh a skrive Loeiz Herrieu hag ar pezh a oa bet merchet er J.M.O.?


D.C.: James. Dalc'hmat ar memes tra, rik-ha-rik. Traoù 'zo a zo er J.M.O. ha ne vênt ket lâret get Loeiz peogwir n'o gouie ket anezhañ. Kar Loeiz a oa diblaset dija a-raok ar rejimant ha ne gemere ket bepred ar memes hent. Eñ a gemere alies an hent berrañ a-dreuz karter. Tri, pevar e vezent é vonet asambl : eñ, ar c'haporal fourrier ha daou soudard arall. Eñ a oa serjant-fourrier. Kavet e vez èl-se er c'harned : "Ar mintin-mañ e oa yen, skornet e oa an hent met dre voneur ne ruskle ket."

Nann, pa oa-en aet kuit, aet e oa e-kreiz an noz met pa oa savet an deiz e oa erru ar riell ... Traoù 'zo èl-se.

Èl ma lâr Norton Cru, ur c'harned a zo prisius hag a zo ur gwir testoni adal ma vez lec'hiet an traoù ar resisañ-posupl. Ret eo ma vez resis an traoù, ma lâr an dud e-men emaint, al liesan-posupl. E peseurt tachad ag an talbenn emaint, e peseurt kêr, e peseurt lec'h emaint ennañ é skriv, e peseurt lec'h eman ar geginerion, e peseurt toull emaint-int. Seul vuioc'h e vez degaset traoù sort -se, seul suroc'h e vez an testoni. Ar re o deus lennet Kammdro a oui e vez spisaet holl an darvoudoù get Loeiz, bep taol, betek an euriadoù. Un testoni dispar hon eus aze. Hag e brezhoneg, a zorn piv e vez kavet hiriv an deiz 620 lizher àr ar brezel pevarzek ?

Ar c'harned a zo biskoazh spisoc'h e-kenver deiziadoù, traoù emgavet. El lizherioù : tud meneget, 150 den dre o anv evit ar rejimant, hep kontiñ ar re 'rall en deus gwelet tro-ha-tro hag e lâr d'e vaouez: «Hiriv em eus kavet henañ-hennezh a Borzh­Loeiz pe a Bloue.»

E Kammdro eh eus nebeutoc'h a dud meneget.

Etre ar c'harned hag embannadur Kammdro, an den n'en deus ket chenchet an darvoudoù, àr-bouez darvoudigoù dister. Met perak en deus tavet àr lod ha pas àr lod arall ? Marse e oa ur gudenn a lec'h, a blas e Dihunamb ! Traoù arall a vez kavet e Kammdro ha n'int ket er c'harned, darvoudigoù ivez.

D.D.: Daet soñj dezhañ àr-lerc'h ?


D.C.: Ne gredan ket. Bout 'zo atav daou draig eh on prest a-walc'h da grediñ emaint bet lakaet evit "digor an nor" d' ar vojenn ha reiñ d'al lennerion boued a blije dezhe. Pad int er blez seitek, pad eo aet an Alamaned àr-dreñv - espres-kaer, met Herrieu ne gomprene ket an dra-se nag ar soudarded arall - aze emaint é redek da gemer an dachenn dilezet hag en em gavont e kêriadennoù bet dalc'het get an Alamaned abaoe penn-kentañ ar brezel. Herrieu a lâr en em gav en un ti, lec'h mah eus ur vaouez hag he merc'h é chom ; hag e vez paeet un tasad dezhe da evet, hag en un taol e tigor an nor hag e ta tre en ti ur soudard yaouank : mab an ti ha ne oa ket bet doare ebet anezhañ abaoe ma oa kroget ar brezel...

Nend eo ket er c'harned, nend eo ket el lizherioù ... Met an dra-se a vez kavet lies-bras e-barzh eñvorennoù brezel arall. Ma, an dra-se a ra plijadur d'al lennerion...

Bout' zo c'hoazh kaoc'h ar c'hapiten, a zo e-barzh Kammdro. Emaint dirak talbenn Massiges ; ar c'hapiten Césari ne venn ket donet er-maez get an aon, ha kac'hat a ra àr un tamm paper ha rein a ra e gaoc'h d'an ordonañs da gas er-maez !

An dra-se a zo e Kammdro met n'eo ket er c'harned. Hag er c'harned èl en ul lizher e ro da gomprèn emañ un den mat ar c'hapiten Césari. Ur sell kontrol-tout. Petra a zo paseet aze ? Diaes gouiet…

D.D.: N'eo ket atav traoù a denne da vras ?


D.C.: Nann ! Disterajoù, netra oc’hpenn !...

E brezhoneg n'hon eus testoni ebet a dalv hani Loeiz Herrieu. E galleg, da ouiet din hani ebet; hag en alamaneg, sur on, hani ebet.

D.D.: Setu evit an testoni istorel. Ha fed ag an den, petra ho peus dizoloet ? Daoust ha souezhet oc'h bet ?


D.C.: Ya, ar souezhusañ a zo bet dizoleiñ personelezh an den. An abad Lohier -Mab ar C'hloc'hour - en doa skrivet, e «Bro-Guened», pa oa bet interet Loeiz Herrieu, e mizMae 1953: «Loeiz Herrieu ne oa ket un den èl ar re 'rall.» Ha gwir eo.

Met nend eo ket ivez an den - hag an dra-se en deus ma lakaet da furchal àr an den-se - nend eo ket an den am eus klevet kaozeal anezhañ èl ur pikol mell haroz, un den dispar, e fin ar blezioù dek ha tri-­ugent, get an dud o doa en anavet :

"Peseurt den e oa Loeiz Herrieu ?" "Ha! Hennezh a oa un den .. , Ha Dihunamb !..."
"Ya, met peseurt den ?" "Ha, dam hennezh 'oa un den en deus labouret ... "

Met, er-maez ag an traoù-se ne veze ket lâret deoc'h peseurt den e oa. An dud o doa bevet getañ, pe o doa-eñ anavet, n' o doa anavet nemet un tu anezhañ : tu ar brogarour ; ha c'hoazh tu ar brogarour e dibenn e vuhez pa sonjer mat, pas tu ar brogarour a-raok ar brezel 14, tamm ebet. Evite e oa daet da vout ur sort haroz, un haroz bev ha ne veze ket mui gwelet an den a-dreñv. Hag atav e tae ar skeudenn, ar Barzh Labourer é reiñ bronn d'e bal, atav an dra-se. Ha pa'm boa graet ma mestroniezh a-zivout Dihunamb, dre forzh hentiñ bugale Loeiz Herrieu, Gwennael dreist-holl, hag e vaouez Geneviève, em boa santet ne oa ket tre an dra-se. O zad a oa evite ivez un den na oa ket èl ar re 'rall. N'eo ket abalamour ma oa o zad met abalamour ma oa un den dishañval doc'h ar re 'rall dre e emzalc'h, dre e spered, dre ar feson en doa d'en em kondui er vuhez ... Ha gwir eo em eus dizoloet un den n'em behe kredet biskoazh e oa katapl da vont ken pell, ken don-se. Un den pasionet !

Dre al lizherioù em eus bet tu da zizoleiñ an den prevez ha n'eo ket mui an den publik.
Gwelet em eus ivez e oa bet ur gwir soudard, un den a zever. An dever a zo diazez e ernzalc'h er brezel met ivez en tu 'rall, er vuhez a-bezh. Lakaet en doa e-kreiz e vuhez ober àr-dro ar vro ha gober àr-dro ar brezhoneg. An dra-se en doa dibabet da zever a pa oa ugent vlez hag an dra-se a zo chomet dever pennañ e vuhez penn-da- benn. Kousto pe gousto, diskaret eñ pa garoc'h ha keit ha ma karoc'h, hag al liesañ ma karoc'h, atav e tay en-dro rak e zever a zen eo an dra- ­se. Un dever arall a zo bet e-pad ar brezel : echu ar brezel, ha gounit ar brezel. Aze en em gav kar d' ar braz ag ar soudarded. Ur gaou eo lâret e oa prest ar soudarded da vervel evit an Alzas hag al Lorren ! Ar braz anezhe a rae ket foutre-kaer get an dra-se. Ar pezh a oa, kendrec'het e oant, a-raok ar brezel, dre an iliz, dre ar skol e vehe bet, deiz pe zeiz, ret en em bakiñ en-dro get an Alamaned. An dra-se a oa sur. Erru 1914, an holl a zo aet kuit en ur soñjal "An dra-se a vo d'ober ; kenkoulz eo monet dezhe doc'htu, dijabl anezhe. Ur wezh graet ne vo ket mui d'ober. Ret eo o bountiñ er­maez. Ret eo echu ar brezel. Hon dever eo». N'eo ket me a lâr kement-mañ met an istorourion yaouank a-vremañ é labourat àr ar brezel 14. Graet en deus Loeiz e zever a-fet kement-se, èl an holl.

Ne gomzer ket neuze ag an Alzas- Lorren, graet e vo diwezhatoc'h, hardizh, er blez 17 a pa zay an Amerikaned er brezel rak an Amnerikaned a c'houlenno : «Petra eo ho palioù brezel ?»

Ha palioù ar Frans a oa diskar an Alamagn, èl galloud ekonomikel ha politikel. An Amerikaned ne vennent ket tamm ebet doujiñ d'ar pal-se ha neuze o deus lâret ar bolitikerion : «An Alzas hag al Lorren a vo ret dezhe reiñ en-dro».

Setu ur pal dereat hag aes da streviñ e pennoù an dud...

Mah it en tu 'rall d'ar brezel : Dihunamb, ganet e 1905. Betek e varv e chomo get Dihunamb, diskaret ur wezh hag adsavet e 1921, diskaret c'hoazh e 1944. Ya, met ne vir ket doc'htañ a lâret, hag a skriv d'an dud en aters àr ar poent-se, daou vlez a-raok e varv : «Gortoz a ran, bremañ eh on erru en Alre, gortoz a ran kaout un tammig argant en-dro, un tammig nerzh ha Dihunamb a yay en-dro.»

E zever a oa aze, don en e galon hag en e spered emañ an dra-se: adal ma ho peus dibabet ur pal emañ ret deoc'h labourat evit ar pal-se, kousto pe gousto. Anduret, gouzañvet en deus er brezel met graet en doa e zever hag un dever arall a zo staget : dever ar c'hristen.

Tout an dud a ouie e oa Loeiz ur c'hatolik, ur c'hristen mat, met ne'm behe ket-me kredet atav e vehe aet ken pell. Aet eo kalz pelloc'h evit ar veIeion a oa é kemer perzh e-barzh ar brezel. Evitañ-eñ, predeg an iliz ofisiel e oa, met eñ a zo aet betek penn : Mard eo daet ar brezel emañ dre faot an dud. Doue en deus laosket ar brezel da zonet, dorn Doue a bouezo bremañ èl ur c'hastiz àr an dud betek ma vo bet digollet a dout ar fallantez a zo bet graet doc'htañ. Ha piv a c'hell en digoll ? Ar re just, ar re vat, pas ar re fall. Kaer e vo lazhiñ an dud a viliadoù, n'eo ket an dra-se a arrasto ar brezel, n'eo ket an dra-se a lakao Doue da sevel e zorn. Sevel a ray e zorn, lakaat a ray termen d’ar c'hastiz a pa vo bet paeet an dle get ar re a c'hell paeiñ an dle, da lâret eo ar re vat, ar re a bleg get pasianted d'ar c'hastiz a zo bet lakaet da zonet. An dever a basianted a zo pas klask achap dirak ar c’hastiz, da lâret eo pas donet d'ar gêr.

D.D.: Abalamour d'an dra-se ne vehe ket daet ?


D.C.: Ur rezon eo. Meur a rezon a zo ...
Klask tenniñ àr-dreñv a zo klask tenniñ a-zindan dorn Doue. Klask ankouaat an dever a zo ar memestra. Ret eo plegiñ da volontez Doue hag en ur blegiñ da volontez Doue ho peus ur chañs d'en em denn, ur chañs da verraat ar brezel. N'eus ket chañs ebet deoc'h mod arall. Eñ a zo aet betek penn an dra-se hag er lakaet da dalv àr e bemdez. Reut-bras ha kalet- bras dezhañ da zerc'hel met kaletoc'h c'hoazh d'e dud er gêr.

(Da genderc'hel) (Komzoù dastumet get Daniel Doujet d'an 18 a viz Eost 1999)

Un paysan dans la grande guerre
avec Daniel Carré



Le samedi 5 juin, Daniel Carré a soutenu sa thèse de doctorat, à l'université de Rennes 2 devant un jury composé de Yann-Ber Piriou, directeur de la thèse, Donatien Laurent et Jean-Yves Plourin (UBO, Brest), Michel Nicolas et Gwendal Denez (UHB, Rennes 2). Le sujet  en était «Loeiz Herrieu, un paysan breton dans la grande guerre. Analyse de sa correspondance avec son épouse».

Nous avions pris rendez-vous, lui et moi, le mercredi 18 août pour en reparler. Ce jour-là encore, je dois dire que le temps me parut bien court et l’interview si simple à conduire – rien de plus facile que de faire parler Daniel – que c’est frais et dispos que je rentrai chez moi. Cinq heures d’horloge ! Voilà ce que dura notre entrevue durant laquelle je n’eus finalement qu’à écouter. Impossible d’en donner ici l’intégralité : ce serait bien trop long. J’en ai retiré la matière des deux articles que je vous propose.

Daniel Doujet: Quels buts vous étiez-vous proposés dans cette étude concernant Loeiz Herrieu ?


D.C.: Deux, en vérité. D’abord vérifier la véracité du témoignage de guerre. On sait en effet que certains écrits de guerre sont le fait d’auteurs qui n’y ont jamais réellement pris part ; d’autres rapportent des faits dont ils n’ont pas été eux-mêmes les témoins. Ils ont parfois écrit longtemps après l’événement alors que les souvenirs s’estompaient ; certains ne l’ont fait que dans les années 1950, peu de temps avant de mourir. Il faut aussi compter avec l’influence du discours convenu autour de la guerre héroïque, du prix du sang versé. Il fallait donc vérifier le degré d’authenticité du témoignage. Le second objectif était de tenter de cerner la personnalité de Loeiz Herrieu, d’approcher de lui le plus possible, de savoir à quelle sorte d’homme nous avions affaire sur le plan de la psychologie, du caractère ; comprendre ce qui le poussait à agir et à penser de telle manière plutôt que de telle autre ; tenter de mettre en lumière les principes sur lesquels il avait appuyé ses choix, la place de la religion et de l’éducation reçue… Y avait-il finalement une logique, un lien dans tout cela ? Il y avait un troisième objectif, mais qui découlait finalement du second : savoir en quoi la guerre avait transformé l’homme. Très nombreux ont été en effet les hommes qui en sont revenus changés.

D.D: Et qu'avez-vous trouvé par rapport à ces buts?


D.C.: Pour apprécier l'authenticité du témoignage, j'ai travaillé à partir de trois sources laissées par Loeiz Herrieu lui-même. Il a tenu un carnet de guerre quotidien, carnet inédit jusqu'ici et que personne n'avait étudié ; les carnets en question - il y en avait cinq en tout - se trouvaient dans les archives de la famille.

Il a commencé à publier le contenu de ces carnets en 1933, c'est-à-dire 19 ans après les avoir écrits. Il était donc logique de se demander si ce qu'il avait vécu depuis la fin de la guerre, la vie, les changements dans la société ne l'avaient pas conduit à faire un choix parmi les évènements notés. N'en avait-il pas tu certains? Mis d'autres plus en valeur? Avait-il modifiétel récit pour influer sur l'opinion du lecteur dans un sens différent du soldat au moment où il écrivait?... Voilà ce que je m’étais fixé comme objectif au début de mon travail: comparer les deux écrits.

J'avais donc introduit dans l’ordinateur l’ensemble de Kammdro et le contenu des cinq carnets retrouvés. Il faut dire en effet qu’il en manque un, le premier, celui qui va jusqu’en mai 1915 ; on peut sans doute le considérer comme irrémédiablement perdu.  J’en étais là lorsque Gwénaël que je rencontrais très régulièrement me déclara tout de go au milieu de la conversation : «Il y a bien encore les lettres de mon père à ma mère. Il y en a quelques-unes ici dans le grenier. Pas grand-chose. Une petite poignée peut-être. Cela vous intéresse-t-il ?» Evidemment que cela m’intéressait !... «Bon ! Mais je vous le redis : il n’y en a que quelques-unes parce que j’en ai brûlé pas mal… Je vais vous les mettre de côté». J’étais à peine rentré à la maison que le téléphone sonna : c’était Gwénael «Je les ai retrouvées. Elles vous attendent». Je repris immédiatement la route d’Auray. La poignée, si elle n’était en effet pas bien grosse à première vue, représentait cependant environ 120 lettres !... Je compris aussitôt que je tenais là un matériau de toute première importance, non seulement pour mieux connaître l’homme, mais également pour vérifier le degré de concordance, de véracité des événements relatés dans les carnets. Y avait-il encore d’autres lettres et cartes ? «Et bien… Oui, mais il faudrait que je fouille ». La fouille, poursuivie dans le grenier d’Auray, ne s’avéra pas infructueuse.

A la même époque fut déposé au manoir de Kernaud, à Mellac, l’autre partie des archives de Loeiz Herrieu, partie conservée jusque là dans la famille Ferrand à Rédéné. Donatien Laurent, Fañch Postic, Jorj Belz et Jean-Luc Guillevic effectuèrent un premier tri et, ce faisant, me mirent de côté, à la demande de la famille Henrio, tout ce qui leur sembla concerner la guerre 14-18. Dans le lot se trouvaient encore d’autres lettres !... Le tout finit par former un corpus de 620 correspondances de Loeiz à Loeiza ; des cartes mais surtout des lettres qui représentaient pour moi un véritable trésor : un autre témoignage de guerre. Il avait tenu ses carnets quotidiens dans l’intention de publier ses notes dans Dihunamb une fois la guerre terminée. La publication de Kammdro an Ankoù, commencée en 1933 seulement, ne fût jamais terminée en raison du bombardement de l'imprimerie de Lorient au mois de janvier 1943. La correspondance représentait une source totalement différente : il s’agissait d’écrits strictement privés, d’écrits dont Loeiz n’avait jamais envisagé la publication puisque s’adressant directement à Loeiza Le Meliner, son épouse. Ils contenaient des informations qui ne figuraient ni dans les carnets ni dans Kammdro ; en particulier tout ce qui concernait le domaine personnel, les relations entre les époux, la place de ses enfants et de ses parents dans les pensées du soldat, le souci de la ferme, l’engagement pour la Bretagne. Toutes choses absentes, en tout cas peu présentes, dans les carnets comme dans Kammdro.

Une évidence s’imposa : une fois le degré d’authenticité du témoignage vérifié, c’était avant tout sur la correspondance qu’il fallait s’appuyer pour montrer quel homme était Loeiz. En ce qui me concerne, je crois que ces années de guerre représentent pour nous la meilleure opportunité d’approcher le fond de cet homme. Du jour au lendemain et durant presque cinq années, il allait se trouver séparé de sa famille, de son pays, de ses occupations, de ses engagements. Jeté dans un monde étranger, hostile aux valeurs qui avait été les siennes jusque là, il ne manquerait pas de se révéler tel qu’il était au fond. L‘authentification du témoignage ne pouvait bien entendu se faire sans avoir recours aux archives militaires. De côté-là j’eus également la chance de trouver l’intégralité du Journal Marche-Opérations du 88° R.I.T. au service historique des armées, au château de Vincennes. S’y trouvaient également les «Etats journaliers» ; autrement dit les fiches établies quotidiennement et portant les noms et le nombre des pertes - tués ou de blessés - pour le régiment. Une source précieuse à rapprocher de ce que rapportait Loeiz. Et un autre écrit encore : l'« Historique du régiment » composé après la guerre, à l’instar de la plupart des régiments ; une sorte de cahier à l’usage des anciens afin de perpétuer le souvenir ; il contient les noms des officiers, des soldats décorés et parfois même ceux des condamnés… J'ai aussi lu nombre d'autres écrits ; des ouvrages relatifs à la guerre, des récits et des témoignages, dont certains inédits, provenant d’hommes présentant quelque similitude avec Loeiz Herrieu. Certains de ces témoignages m’ont été transmis presque par hasard, après avoir été, par exemple, évoqués au cours d’une conversation avec l’un ou l’autre : « Ici il y aurait bien aussi des papiers, des lettres…» J’avais lancé un appel dans Ouest-France, dans Ar Men. C’est ainsi que j’ai eu entre les mains la collection des lettres de Deparscau du Plessis, un jeune homme que j'avais retenu parce qu'il était Breton et avait reçu une éducation semblable, par certains côtés, à celle de Loeiz ; un catholique ardent, un noble méprisant la république mais animé d’un formidable esprit patriotique. Ainsi me sont parvenus aussi les carnets et les lettres de Joseph Loth. Pas celui que nous connaissons, bien sûr ! Un Normand dont le grand père était Alsacien. Il était organiste de métier, un homme du même âge que Loeiz Herrieu dont il partageait en gros la même conception du monde et de la société ; un peu self-made-man comme lui ; catholique, marié, deux enfants comme lui ; également mobilisé dans un régiment territorial. Sa fille, décédée maintenant, avait bien voulu me confier ses archives. Signalons encore le carnet et les lettres de Pierre Couriaut, un commerçant de Baud, que m’avait confiés l’un de ses petits-fils. Il était du même âge que Bleimor dont il avait été le condisciple au séminaire, à Sainte-Anne. Un homme qui présentait aussi beaucoup de similitudes avec Loeiz Herrieu : un Breton de cœur – même s’il affirme clairement son patriotisme français, un abonné à Dihunamb ; un catholique, un homme instruit, marié et père de famille. Je me trouvais ainsi en situation de comparer, de m’assurer si le comportement de Loeiz était dans la norme ou pas, de chercher les causes d’éventuelles divergences… Sans parler bien entendu d’autres témoignages, bien connus ceux-là, comme celui de Louis Barthas du côté français ou celui de Remarque du côté allemand. J’ai en effet cherché des situations parallèles, des hommes présentant quelques caractères communs avec Loeiz Herrieu, des hommes mariés, pères de famille ; parmi les soldats français bien sûr, mais aussi parmi les soldats allemands. Le résultat de toute cette quête est évident. Nous avons là un témoignage d’une valeur incomparable ; du moins si on le jauge selon les critères définis par celui qui est unanimement reconnu comme un maître en la matière : Jean Norton-Cru. Norton-Cru, de nationalité française et britannique, publia en 1929 ou 1930 une thèse dans laquelle il analysait la véracité, l’authenticité des divers écrits publiés en français sur la guerre ; il s’appuyait pour cela sur un certain nombre de critères précis auxquels répondait ou non l’ouvrage analysé. L’homme savait de quoi il parlait : il avait fait toute la guerre comme soldat. Ces critères, appliqués au témoignage «pluriel» de Loeiz Herrieu en montre la valeur. On a publié de nombreuses correspondances de guerre ; la plupart l’ont été par les soins de la famille ou du moins avec son agrément, souvent pour rendre hommage au soldat disparu. On a forcément effectué un tri dans les correspondances, édulcoré certaines, arrangé d’autres. Il s’agit alors, comme le dit justement Norton-Cru, non plus d’un témoignage de soldat mais bien plutôt d’un témoignage de soldat revisité par des gens qui n’ont peut-être jamais approché le monde de l’avant, qui ont pu être guidés par leur propre vision de la guerre, qui ont voulu avant tout mettre en avant le sacrifice, la bravoure de l’auteur des lettres. Dans le cas qui nous occupe il s’agit de toute autre chose puisque la correspondance n’est passée par aucun filtre, mis à part celui, parfaitement aléatoire, des aléas de l’histoire des archives familiales qui, hélas ! ont abouti à la perte d’environ un tiers de l’ensemble des lettres et cartes écrites par Loeiz à la maison ; les trous – il y en a donc – sont le résultat de ce qui s’est passé en 1944 et après : pertes de liasses, papiers jetés ou brûlés pêle-mêle… Le total représentait probablement environ 1100 lettres, soit un envoi tous les deux jours. Une moyenne bien sûr, car il arrive qu’il y ait trois envois le même jour : deux cartes brèves dans le courant de la journée et une lettre plus longue le soir, par exemple. Une fois la lettre écrite, cachetée, remise au vaguemestre on ne peut plus rien y changer ! Impossible de modifier la localisation temporelle de l’événement rapporté : la date figure dans l’en-tête. Si l’on dit : «Lundi 13 février 1915, Nous sommes toujours à Bourg-et-Comin… » il est facile de le vérifier en consultant les archives du régiment. « Ce matin ça a bardé entre les lignes…» comme on peut par exemple le lire dans une lettre de mars 1916. «Les allemands se sont mis à tirer… » Ce sont là des faits qui normalement seront consignés sur le J.M.O. Ou bien encore : « Hier, nous sommes arrivés ici à trois heures. Les hommes sont arrivés à minuit, brisés de fatigue». Il vous est tout aussi facile de le vérifier, à condition, bien entendu, d’être quelque peu au fait du travail du fourrier de régiment en campagne. Le fourrier se déplace en effet avec sa petite escouade avant la compagnie dont il va préparer le cantonnement ou reconnaître les positions à occuper. Il arrive bien souvent une demi-journée avant la compagnie. Avec les données du J.M.O., il vous est aisé de vérifier tout cela.

D.D.: Et vous n'avez jamais trouvé une variation entre ce qu'avait écrit Loeiz Herrieu et ce qui était consigné dans le J.M.O ?


D.C.: Jamais. C’est rigoureusement la même chose. Bien sûr des événements sont signalés au J.M.O. dont Loeiz ne fait pas mention puisqu’il n’a pas eu nécessairement à les connaître : il ne faisait pas route avec la compagnie, il ne prenait pas nécessairement le même chemin. Allant ainsi à trois ou quatre – le sergent (Loeiz), le caporal fourrier, un homme ou deux – il leur arrivait souvent de prendre des raccourcis. On trouve ainsi dans le carnet : «Ce matin il faisait froid, les routes étaient gelées mais heureusement ça ne glissait pas» alors que le J.M.O. relate une marche difficile sur le verglas ; la chose est parfaitement possible : les routes ne sont devenues glissantes qu’avec le lever du jour, heure à laquelle Loeiz et les siens sont rendus au cantonnement. C’est tout bête, mais il faut savoir comment tout cela fonctionne.

Pour ce qui est du carnet, on en revient encore à Norton-cru : sa valeur de témoignage, son authenticité se mesure à la précision avec laquelle sont données les informations relatives au temps et aux lieux. Plus la relation contient de notations de ce type, plus on pourra le considérer avec intérêt. Dans quel secteur du front se trouve-t-on ? Dans quelle ville ou village ? A quel endroit écrit-on ? Où se trouvent les cuisines ? Dans quel abri est-on ? … Plus le carnet fourmille d’indices plus le témoignage est proche de la réalité. Ceux qui ont lu Kammdro connaissent la précision avec laquelle Loeiz situe tous les événements ; il va souvent jusqu’à nous donner l’heure. Nous avons là un témoignage exceptionnel. Exceptionnel aussi par la langue dans laquelle il est écrit : 620 correspondances de guerre en breton, et de la main du même homme à son épouse. Peut-on trouver mieux ? J’en doute.
Le carnet apporte donc une foule de détails relatifs aux dates et aux lieux. La correspondance privée le complète par des annotations concernant les personnes rencontrées, les soldats côtoyés (150 noms pour le seul 88°,  sans parler de ceux des autres unités) dont il annonce la rencontre, souvent fortuite, à sa femme : «Aujourd'hui, j'ai vu untel de Port-Louis, untel de Plouay… » Kammdro contient moins de noms de personne, c’est vrai.
Entre le carnet original et sa forme éditée – autrement dit Kammdro – Loeiz n’a pas changé les événements, du moins pas de manière significative. Quelques-uns n’ont pas été rapportés sans que l’on puisse même proposer une explication au-delà de celle qui peut contraindre l’auteur à se censurer lui-même : l’obligation de « passer » dans le cadre des pages réservées dans Dihunamb. Inversement, on rencontre dans Kammdro, tout aussi rarement c’est vrai, des événements qui ne sont pas relatés dans le carnet…

D.D.: Peut-être s’en est-il souvenu par la suite ?


D.C.: D.C. : Je ne le crois pas. Dans deux cas, je croirais même assez volontiers que l’envie de céder, pour une fois, au conformisme en donnant aux lecteurs ce qu’ils attendent en matière de souvenirs de guerre, a conduit Loeiz à ajouter quelque chose de nouveau dans son récit. En 1917, au moment du repli stratégique des Allemands – manœuvre dont ni Loeiz ni les autres soldats n’avaient alors compris la raison, le 88° occupe le terrain laissé libre par l’ennemi et entre dans des villages où se trouvent des civils que les Allemands n’ont pas déportés lors du recul. Herrieu raconte qu’alors qu’il a été invité à boire un verre dans une maison occupée par une femme et sa fille, la porte s’ouvre livrant passage à un jeune soldat : le fils de la maison, dont on n’avait pas eu de nouvelles depuis le début de la guerre…
Ce récit n’apparaît ni dans le carnet ni dans la correspondance… Par contre la scène est des plus classiques dans la littérature de guerre et les lecteurs s’y retrouvent bien…
Il y a également cette affaire du capitaine qui fait ses besoins dans l’abri tant il a peur de s’exposer au danger en sortant. On est devant Massiges ; le capitaine Césari ch… sur un morceau de papier et charge son ordonnance d’évacuer la… commission à l’extérieur ! Pas de trace dans le carnet où, comme dans la correspondance d’ailleurs, Césari ne fait l’objet d’aucune remarque désobligeante, au contraire. Une anecdote qui vient renverser le portrait dressé. Mystère…

D.D.: En tout cas rien de très important ?


D.C.: Absolument ! Un fait minime, purement anecdotique, reconnaissons-le !... Nous n’avons en breton aucun témoignage sur la grande guerre de la valeur de celui de Loeiz Herrieu. En français comme en allemand, à ma connaissance, pas davantage.

D.D.: Voilà pour le témoignage historique. Et pour ce qui est de l'homme qu'avez-vous découvert? Avez-vous été surpris?


D.C.: Oui, le plus surprenant a été de découvrir la personnalité de l'homme. L’abbé Lohier - «Mab er Hlohour» - avait écrit dans la revue «Bro Guéned», en mai 1953, après le décès de Loeiz Herrieu : «Loeiz Herrieu n'était pas un homme comme les autres. » C’est vrai. Mais ce n’est pas davantage – et c’est justement ce portrait qu’on en dressait qui m’avait poussé à m’intéresser à lui - l'homme que j’avais entendu décrire, à la fin des années 1970, par nombre de ceux qui l’avaient connu comme une sorte de héros légendaire, inégalable :

« Mais quel homme était donc Loeiz Herrieu ? »
« Ah ! celui-là c'était un homme !…Et Dihunamb !… »
« Oui, mais quel homme ? »
« Dame, celui-là était un homme qui a travaillé… »
Pas grand chose d’autre en dehors de cela ; on ne vous disait rien de sa personnalité. Ceux qui l’avaient côtoyé, rencontré n’en connaissaient que le côté militant patriote breton ; et encore s’agissait-il du patriote tel qu’il était à la fin de sa vie, pas du tout le patriote d’avant la guerre de 1914. Derrière l’image du héros vivant, de la statue du commandeur qui s’était imposée à eux, ils n’avaient pas approché l’homme. L’image qui sans cesse revenait était finalement celle du Barh-Labourer appuyé sur sa bêche au milieu de son champ. Or, lors de la réalisation de mon mémoire de maîtrise consacré aux dix premières années de la revue Dihunamb, j’avais eu l’occasion de rencontrer les enfants de Loeiz ; en particulier Gwénael et sa femme, Geneviève. Au cours de ces rencontres j’avais pressenti que Loeiz ce n’était pas exactement cela. Pour eux non plus, leur père n’était pas un homme ordinaire ; pas parce qu’il était leur père mais parce qu’il était différent des hommes du commun par le comportement, la tournure d’esprit, sa manière d’appréhender la vie… C’est vrai : j’ai découvert un homme dont je n’aurais jamais pensé qu’il ait pu aller si loin dans ses engagements. Un homme d’une pièce, passionné ! Au travers de la correspondance j’ai approché l’homme privé, bien différent de l’homme public. Ce fut un vrai soldat fidèle à son devoir ; ce sentiment du devoir autour duquel s’articulent décisions et comportement durant la guerre comme dans toute la vie ordinaire.A 20 ans, il s’était découvert un idéal : servir son pays et travailler pour le breton ; il se fit un devoir d’agir en ce sens et ce devoir de jeune homme devint celui de toute une vie. On peut ruiner le travail de Loeiz, on peut lui nuire autant qu’on veut et quand on veut, il reviendra toujours à ce qu’il considère comme son devoir quoi qu’il lui en coûte.
La mobilisation lui impose un devoir impérieux : celui de terminer la guerre et de la gagner. Là, il est proche du sentiment de la plupart des soldats. Dire que les hommes étaient prêts à mourir pour l'Alsace et la Lorraine est faux : nous savons que la majorité se fichait pas mal de ces deux provinces. Par contre, il est certain qu’ils étaient convaincus avant la guerre qu’il allait falloir se remesurer avec les Allemands les armes à la main. C'était sûr ; l’école, l’église les avaient formatés. En 1914, tous répondent à l’appel avec une seule pensée : «Puisque c’est à faire, autant vaut y aller tout de suite. Une chose faite n’est plus à faire. Il faut les repousser. On ira jusqu’au bout. On fera notre devoir». Ce n'est pas moi qui le dis, mais les historiens qui travaillons actuellement sur la guerre 14. Et Loeiz est comme les autres.
  Pour ce qui est de l'Alsace-Lorraine, il faut bien dire que la question n’est pas centrale en 1914 ; elle le deviendra en 1917, lorsque les Américains qui entrent dans la guerre demanderont aux alliés : « Quels sont vos buts dans cette guerre ? » L’objectif de la France était d'abattre l'Allemagne en tant que pouvoir économique et politique ; les U.S.A ne pouvant accepter une telle déclaration, les hommes politiques français introduisirent alors des clauses territoriales parmi lesquelles figurait la restitution des provinces perdues en 1871. La demande était politiquement plus acceptable et extrêmement facile à faire adopter par l’opinion publique française.

Loeiz Herrieu fait donc son devoir de citoyen français.
Autre exemple de fidélité intransigeante au devoir : Dihunamb ! Née en 1905, arrêtée fin 1914, ressuscitée en 1921 malgré les difficultés ; détruite à nouveau en janvier 1943 et remise en route trois mois plus tard. Même ce qui peut apparaître comme un arrêt définitif à l’été 1944 ne l’empêche pas de dire et d’écrire à ceux qui l’interrogent là-dessus deux ans avant sa mort : «J'attends, maintenant que je suis arrivé à Auray, j'attends d'avoir à nouveau un peu d'argent, un regain de force et Dihunamb revivra». La nécessité d’accomplir son devoir est profondément inscrite dans son cœur et dans son esprit : lorsque vous avez choisi un but vous vous faites un devoir de l’atteindre et vous y œuvrer coûte que coûte. Là réside l’acceptation des souffrances liées à la guerre qu’il endure avec résignation ; là et dans un autre devoir tout aussi impératif qui lui est lié : le devoir du chrétien. Tout le monde savait que Loeiz était bon chrétien et bon catholique ; la nouveauté est que personne n’avait supposé qu’il était allé aussi loin dans l’observance du devoir. Bien plus loin que les prêtres qui ont participé à la guerre. S’il partage bien sûr la position officielle de l’église, il tient à l’assumer pleinement, sans concession. Les hommes sont responsables de la guerre ; Dieu, en permettant qu’elle éclate, a étendu sa main sur l’homme pour lui faire sentir sa colère ; cette colère ne s’apaisera, cette main vengeresse ne se lèvera que lorsque les sacrifices auront racheté les fautes anciennes ; alors la paix reviendra. Qui peut œuvrer pour hâter cet instant ? Qui peut apaiser la colère divine ? Les justes, les purs ; pas les méchants. On aura beau tuer les hommes par milliers, ce n'est pas cela qui arrêtera la guerre, ce n'est pas cela qui inclinera Dieu à relever sa main. Il ne le fera que lorsque les bons, ceux qui supportent le châtiment avec patience et résignation, auront payé la dette de l’humanité pécheresse. Montrer qu’on consent à vivre cette épreuve sans rechigner, qu’on s’y résigne en chrétien c’est lui faire face, ne pas chercher à s’y soustraire ; autrement dit rester dans la guerre.

D.D.: Là serait donc la raison pour laquelle il ne serait pas venu en permission de toute la guerre ?


D.C.: C'est l’une des raisons. Il y en a plusieurs… Vouloir se planquer, se défiler c’est vouloir se soustraire à la colère divine. Ce qui équivaut à se soustraire à son devoir. Se plier à la volonté de Dieu est la meilleure chance qu’on ait de s’en tirer, le mieux qu’on puisse faire pour hâter la paix. Il n'y a pas d'autre issue. Loeiz est allé au-delà du discours : il s’est fait un devoir de le mettre quotidiennement en pratique. Devoir auquel il va lui être extrêmement difficile de tenir ; devoir dont les conséquences sont encore plus difficiles pour les siens à la maison.



(à suivre)

Propos recueillis par Daniel Doujet
le 18 Août 1999

Kamdro an Ankeu (au tournant de la mort)

LA GUERRE DE 14

Loeiz HERRIEU part à la guerre le 5 août 1914, fourrier au 88 ème régiment territorial d'infanterie. Il ne reverra la vallée du Blavet que 5 ans plus tard, le 5 février 1919. Il fut sur beaucoup de fronts. Loeiz à la guerre, « Dihunamb » ne paraît plus: il faudra attendre 1921.

Il resta 5 ans sans revenir à la maison, sans demander la moindre permission, peut-être pour avoir remarqué que beaucoup de ceux qui revenaient, déshabitués du front le temps d'une escapade au pays, trouvaient souvent la mort à leur retour. Ses supérieurs ne trouvèrent que du bien à dire du soldat Henrio.

Loeiz HERRIEU, Kamdro en ankeu (Au tournant de la mort)


Journal de guerre de Loeiz HERRIEU

Mestr-oberenn Loeiz HERRIEU ? Marteze KAMDRO EN ANKEU.
ABEOZEN

Je n'aime pas les souvenirs de guerre. Mais ici nous sommes en présence d'un document, sans cocarde, rédigé avec sérénité. Et c'est écrit, et non bâclé. Un de ces livres qui font, non l'orne­ment, mais l'honneur d'une bibliothèque.

Youenn DREZEN

Ur peizant, ur Breizad, é komz splann ha didro ag (eus) ar brezel, ag an ofiserion, ag ar Fransizion, ag an Alamaned, a soudarded Breiz, etc … Ur spered digabestr é varnein an darvoudoù ged skiend-vad ha furnez. Setu Loeiz HERRIEU én é lévr KAMDRO EN ANKEU.

P. TREMEUR

KAMDRO EN ANKEU est l'un des documents les plus précieux jamais écrits sur l'"Autre Guerre", celle de la boue.

X. DE LANGLAIS

Un paysan breton dans la grande guerre Entretien avec Daniel Carré AL LANV, N° 90 - Octobre 1999